Qui suis-je, quand je ne suis pas ce qu'on attend de moi ?

Publié le 9 juin 2025 à 16:04

Authenticité, identité et dissonances entre le soi ressenti, le soi social et le soi perçu

Dans cet article, j'ai envie de déplier ce tiraillement entre ce que l'on ressent, ce que l'on est censé incarner, et ce que les autres voient. C'est ici une exploration, pas une théorie !  Une traversée sensible, entre les âges, les attentes et les visages...

Pendant plusieurs mois, j'étais en burn-out. Je souriais pourtant sur toutes les photos...

Je me souviens d’une image en particulier. Un événement professionnel. Mon sourire est large, mes yeux brillants, mon corps bien habillé. Tout y est. Sauf moi. Ce que je ressentais à l’intérieur, l’usure, la sensation de fausseté, le décalage profond entre mes valeurs et ce que je faisais, était étouffé sous la politesse sociale, le masque du "tout va bien". J’étais loin de moi, mais fonctionnel. C’est là que j’ai compris que l’on pouvait vivre entièrement déconnecté de son propre être tout en restant en apparence parfaitement adapté !

C’est aussi cette période qui m’a conduite, quelques années plus tard, au coaching. Parce que ce décalage, cette perte de soi sous les attentes, je ne suis pas le seul à l’avoir vécue. Elle traverse des vies entières, souvent en silence.

L’identité : un processus vivant !

On parle souvent d'identité comme d'une carte fixe. Un nom, un genre, un rôle. Mais en réalité, l'identité est un mouvement perpétuel. Un tissage entre ce que je vis, ce que j'intègre, ce que je choisis et ce que je décide de montrer.

Dès l'enfance, ce processus se met en route. L'enfant observe, imite, intègre. Il veut plaire, être aimé, être sécurisé. Il adopte parfois des attitudes qui ne sont pas tout à fait les siennes, juste pour coller à ce qui est attendu. C'est le début du compromis, parfois nécessaire, parfois mutilant.

Winnicott parlait de ce "faux self" qui se construit pour répondre aux injonctions extérieures, en protection d'un soi profond qu'on juge trop fragile pour être exposé. Et souvent, ce masque devient si bien collé qu'on oublie qu'il en est un. En coaching, on retrouve très souvent ces "moi déformés" par des années d’adaptation. Travailler sur l'identité revient alors à recontacter le noyau vivant derrière le costume.

L'authenticité : une force fragile...

Être authentique, ce n'est pas tout dire, tout montrer. C'est être aligné (même si je n'aime pas ce mot !). Mais cet alignement n'est pas un chemin rectiligne. Il passe par le doute, l'essai, la chute aussi parfois ! L'authenticité, c'est dire « je » sans trop trembler, tout en sachant que ce « je » est mouvant.

Là où l'enfant cherche à être reconnu pour ce qu'il est, l'adulte, lui, a souvent appris à être reconnu pour ce qu'il fait. L'identité devient fonction, métier, rôle parental ou encore statut. Et ce glissement rend plus floue encore la frontière entre ce que je suis et ce que j'endosse.

En coaching, une question revient souvent : « Est-ce que c’est vraiment moi qui ai choisi cette vie ? ». C’est le moment où l’on commence à creuser, doucement, dans les couches successives de conformité pour retrouver une parole plus nue. C’est un travail qui demande de la sécurité, de l’écoute profonde, et parfois un vrai courage.

Le regard des autres, ce fameux miroir déformant...

Dans l’un de ses textes, Jean-Paul Sartre disait : « Le regard de l'autre me définit. ». Et ça pique ! Car parfois, ce regard pèse plus que le nôtre. On se met à jouer à être soi, version acceptable, version socialement brillante. On est dans la performance de l'identité. Un peu comme sur une scène, sauf qu'on a oublié où est la sortie.

Les enfants le sentent, ça. Quand ils sont qualifiés, étiquetés, classés. Le gentil, le têtu, le curieux, le turbulent, et j'en passe ! Et sans même le vouloir, ils se mettent parfois à jouer le rôle qu'on leur attribue. Parce qu'on aime être reconnu, même dans le décalage. Parce que c'est mieux que de ne pas être vu du tout.

Ce regard des autres, lorsqu’il est pris comme seul point d’appui, devient une prison. Le coaching vient ici proposer un miroir différent : bienveillant mais lucide, éclairant sans déformer. On y apprend à décaler le regard, à poser des mots sur ce que l’on croyait être une fatalité.

Quand cet écart fait mal...

Chez les adultes, cet écart entre le soi profond et le soi joué peut devenir vertigineux. Il se manifeste par une fatigue étrange, une perte de sens, des doutes récurrents. Parfois, ça finit en burn-out. Parfois, en remise à zéro brutale. Parce que trop longtemps, on s’est tenu loin de ce qu’on ressentait vraiment.

Chez les enfants, cet écart se manifeste autrement : colères, repli, hyper-adaptation, troubles du comportement, etc... Parce qu'ils ne trouvent pas l'espace pour dire "je", pour dire "je ne suis pas d'accord avec ce que vous voyez de moi".

Dans un accompagnement, c’est souvent là que commence le vrai virage. Quand on accepte de dire : « je ne me reconnais plus ». Le coaching permet alors de "retricoter" les fils, de retrouver une cohérence entre ce que je ressens, ce que je fais, et ce que je montre. C’est un travail de reconnexion, parfois profondément libérateur.

Vers une réconciliation des parts de soi ?

Et si on acceptait que l'identité soit faite de couches, de saisons et de paradoxes ? Qu'on puisse être à la fois doux et percutant, sensible et stratège, joueur et profond ?

Chez l'enfant, cela passe par la création d'espaces où il peut être sans être noté. Des temps de jeu libre, d'expression ou d'erreur. Des moments où il n'y a pas de rôle à tenir...

Chez l'adulte, cela demande parfois de déshabiller le costume, de revenir à soi, de réapprendre à être sans performer. Cela passe par l'introspection, la bienveillance envers soi, l'audace d'être étrange ou mouvant. Cela passe par le fait de dire « non », parfois. Ou « oui », enfin.

Le coaching, ici, devient un espace de réconciliation. On n'y fabrique pas une identité toute neuve. On y remet en lumière celle qui était déjà là, en friche. On apprend à l’habiter avec plus de liberté.

Et si en résumé, l'authenticité, ce n'était pas se trouver mais plutôt s'autoriser !

Je crois qu'on ne "trouve" pas qui on est comme on trouve un objet perdu sous un lit. On se crée, on se dessine, on se réinvente. Et parfois, on se perd. Mais dans cette perte, il y a une poésie. Celle du vivant. Celle du mouvement.

Alors je n'ai pas de recette. Mais j'ai une conviction : plus on s'autorise à se dire vrai, même dans le flou, plus on laisse aussi les autres le faire.

Et c'est peut-être ça, l'authenticité : un espace qu'on s'offre et qu'on ouvre. Le coaching, dans tout ça, n'est pas une solution miracle. C'est un cadre. Un miroir doux. Un chemin pour se dire : je suis encore là. Et j'ai le droit d'exister comme je suis, pas comme je dois.

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